Derrière les palissades qui bordent le terrain vague, rien n’a été touché depuis des années. Depuis que l’OPHLM a fait raser un immeuble vétuste plutôt bien situé. Vétuste ? Pas tant que cela, pas plus que d’autres qu’il a choisi de rénover et où s’entassent dans des appartements plus petits les familles relogées.
Peut-être en fera-t-on un jour un parking, mais pour l’instant, le terrain est déserté.
Déserté par les Hommes, peuplé par la nature.
Les laiterons sont arrivés les premiers, ils ont poussés sur les petits tas de gravats comme s’il s’agissait du sol le plus fertile, puis des picrides aux feuilles rêches. De la terre s’est lentement accumulée à leurs pieds, une poussière apportée d’ailleurs, des feuilles décomposés. Dans ce début de sol se sont ajoutées des potentilles. Elles ont rampé loin de leur abri pour tapisser le sol caillouteux que les autres plantes avaient délaissés. Du pourpier les a bientôt imités. Là où les deux plantes se rejoignent, le tapis végétal est si épais qu’on ne devine plus la nature du sol qu’il cache. Juste à côté du caillou préféré d’un groupe de gendarme, un premier pissenlit fleurira bientôt. Et tôt ou tard, le trèfle qui pousse dans une fente du trottoir voisin devrait arriver, pour le plus grand plaisir des abeilles qui passent ici leur journée.
C’est une belle collection d’herbe folle qui grandit de jour en jour, qui gagne en diversité et en surface occupée. Mais qui aurait pu dire en voyant ces quelques mauvaises herbes reconquérir difficilement un si petit terrain qu’il s’agissait là des prémisses d’une forêt qui un jour engloutirait la ville entière ?